Speech: Déclaration du Président Jean-Claude Juncker suite à la disparition du journaliste Pierre Bocev

Met dank overgenomen van J.C. (Jean-Claude) Juncker i, gepubliceerd op woensdag 9 oktober 2019.

Bonjour,

Mesdames et messieurs,

Je suis venu vous voir pour rendre hommage à quelqu'un qui vient de nous quitter, Pierre Bocev.

Lorsque Jean Quatremer m'a informé de sa disparition hier soir, et après avoir parlé à son fils, je me suis posé la question comment lui rendre hommage. On peut faire un « tweet » - c'est la façon moderne de communiquer si on ne veut rien dire.

Et donc je me suis dit : est-ce qu'il y a un meilleur endroit que cette salle de presse pour rendre hommage à quelqu'un qui l'anima et qui l'animait à de nombreuses reprises.

Pierre Bocev nous a quittés avant-hier, parce qu'il le voulait. Homme libre, il n'acceptait pas le funeste diktat des lois de la nature. Et donc il était un homme libre durant toute son existence et il a terminé son parcours en homme libre.

Il fut correspondant du Figaro de 1994 à 2004, avant de s'envoler vers d'autres cieux - Berlin et autres, après être retourné de Moscou.

Il m'a accompagné durant presque toute ma vie politique. J'ai fait sa connaissance en 1994, jeune Premier ministre, et il m'a aidé - sans le dire, mais en me poussant dans une direction ou dans une autre - à trouver ma place et mon chemin en Europe.

C'était un ami bienveillant, mais un journaliste exigeant - trop exigeant à mon égard - et il ne m'épargnait aucune critique, et me poussait parfois dans des coins où je ne voulais pas aller. Et puis il m'a dit que je m'étais trompé de chemin, il m'a retiré de là pour me mettre sur une autre piste que volontairement, j'ai suivie.

Il était un journaliste qui se caractérisait par la rigueur de ses analyses. Des analyses se fondant sur un savoir presque encyclopédique et sur une connaissance des langues - de plusieurs langues ; il parlait plusieurs langues, y compris le russe - ce qui fit qu'il connaissait l'histoire de l'Europe, de ses peuples, des extravagances de ses nations.

Et donc, parler à Pierre était un événement riche en transmission de savoir parce que c'était un homme d'une exceptionnelle érudition et d'un savoir débordant. C'était un kremlinologue averti.

L'Union soviétique - c'est de celle-là dont il s'est occupé en tant que journaliste et correspondant - ne renfermait aucun secret pour lui. Et donc nous nous sommes souvent entretenus de l'Union soviétique lorsqu'elle avait disparu, mais il savait tout - plus que beaucoup de diplomates et plus que les services de la Commission.

Donc nous perdons quelqu'un qui a conféré au journalisme bruxellois, européen, français des nouveaux titres de noblesse.

Il nous quitte parce qu'il le voulait - c'est son fils qui nous l'a communiqué, donc je ne révèle aucun secret - et il me manquera. Et pour ceux qui d'entre vous l'ont connu, il manquera à ceux qui l'ont connu.

J'exprime donc mon émotion et je voulais le faire en salle de presse parce que les « tweets », c'est pour les autres. Longtemps, j'aurai mémoire de ce grand Monsieur qui fut un homme profondément bon.

Merci.

SPEECH/19/6052